La montée des eaux du lac Tanganyika provoque des besoins humanitaires urgents au Burundi(OIM)

Des enfants avancent péniblement dans les eaux de leur cour d’école dans la zone de Gatumba, dans la province rurale de Bujumbura. Photo: OIM 2021/Triffin Ntore

By Lauriane Wolfe*

«Qu’allons-nous faire si l’eau ne cesse de monter ? » Cette question est dans tous les esprits : les propriétaires de maisons, les entrepreneurs et les ouvriers du bâtiment, les agriculteurs, les vendeurs du marché, les écoliers, les navetteurs et, bien sûr, les travailleurs humanitaires et les acteurs du développement.

Au cours des deux dernières années, de fortes pluies persistantes, suivies d’inondations, de glissements de terrain et de vents violents, ont fait monter les eaux du lac Tanganyika à des niveaux dangereux, engloutissant des routes entières, des marchés, des cours d’école et des églises. Bienvenues dans un premier temps, les pluies diluviennes ont rapidement commencé à semer le chaos dans la vie et les moyens de subsistance des habitants de la République du Burundi et dans toute la sous-région. Le deuxième lac le plus profond du monde – et 600 km de large à ses points les plus longs – est partagé entre le Burundi, la République unie de Tanzanie, la République de Zambie et la République démocratique du Congo – et aucun pays n’a été épargné par la dévastation.

Rien qu’au Burundi, plus de 52 000 personnes ont été touchées par les inondations depuis mars de cette année, selon la Matrice de suivi des déplacements de l’OIM, bien que le nombre réel soit probablement beaucoup plus élevé. Près de la moitié ont été déplacées à l’intérieur du pays et des milliers de maisons ont été inondées. 

Odette, mère de cinq enfants, sort ses affaires de sa maison, craignant qu’elle ne s’effondre. Une famille voisine lui a offert un abri temporaire. Photo : OIM 2021/Lauriane Wolfe

Des champs entiers de cultures ont été détruits – une perte dévastatrice d’au moins une année de stocks alimentaires pour plus de 90 pour cent des Burundais qui dépendent de l’agriculture de subsistance.

Le Burundi fait partie des 20 pays les plus vulnérables aux changements climatiques, et il est aussi l’un des moins bien préparés à les combattre en raison de la gravité exceptionnelle des risques naturels. En mai 2021, le pays comptait 127 775 déplacés internes, dont 54 pour cent de femmes. Environ 85 pour cent de ces déplacements ont eu lieu en raison de catastrophes.

Il n’est guère réconfortant de constater que la réponse d’urgence du pays souffre d’un sous-financement chronique. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), seuls 17 pour cent des 194,7 millions de dollars nécessaires pour le Plan de réponse humanitaire du Burundi 2021 ont été réunis. Peu de fonds supplémentaires ont été affectés au Plan de réponse à la crise au Burundi 2021 récemment publié par l’OIM.

« Actuellement, les gens n’ont nulle part où retourner. Ils ne savent pas quand sera leur prochain repas », déclare Michael Asima, coordonnateur de l’urgence et de la préparation pour l’OIM au Burundi. « Il est essentiel que nous obtenions davantage de fonds pour répondre aux besoins immédiats des plus vulnérables. »

Dans le même temps, l’équipe d’urgence de l’OIM et les partenaires humanitaires se mobilisent, aux côtés du gouvernement du Burundi, pour répondre aux besoins les plus urgents des personnes les plus vulnérables. L’accès à un abri sûr, à l’eau potable, à des services d’hygiène de base et à un soutien en matière de protection figure en tête de liste.

La survenue des inondations est inévitablement marquée par une cruelle ironie : l’an dernier, à peu près au même moment, environ 30 000 personnes ont été déplacées par les inondations provoquées par le débordement de la rivière Rusizi. Nombre d’entre elles n’ont pas pu rentrer chez elles et continuent de vivre chez des amis et des voisins, ou dans des sites d’hébergement temporaire. Les nouvelles inondations ont mis à rude épreuve les communautés d’accueil qui ont du mal à faire face à la situation.

Le coût du changement climatique 

Le long de certaines parties de la côte burundaise, où les terres sont particulièrement basses, des quartiers sont à l’abandon, et de nombreuses maisons sont encore en construction. Les martins-pêcheurs plongent et s’envolent à travers les fenêtres brisées et les roseaux florissants colonisent désormais les salons dans des eaux de deux mètres de profondeur. Des plantes envahissantes serpentent le long des murs et se faufilent entre les toitures inachevées. Les forces de la nature ont reconquis le territoire de manière provocante et ont forcé des milliers de personnes à partir.

« Si cela se poursuit jusqu’en 2022, les destructions seront énormes et un inventaire des coûts économique et humain sera nécessaire pour concevoir un plan de relèvement », déclare Gabriel Hazikimana, Directeur de l’environnement pour les autorités du lac Tanganyika au Burundi.

Selon les données de l’Institut géographique du Burundi, la montée du lac est un phénomène cyclique qui se produit tous les 50 à 60 ans. Les inondations actuelles sont largement attribuées aux changements climatiques.

« Les années précédentes, lorsque le lac montait, la pluie s’arrêtait et laissait le temps au lac de redescendre », a déclaré M. Hazikimana. « Nous venons de faire une étude qui montre que la température dans la région va probablement continuer à augmenter, et cela pourrait engendrer davantage de précipitations. Nous verrons si nous assistons à un miracle l’an prochain ».

Même si le niveau du lac recule, sa base de sable risque d’être contaminée par les eaux polluées qui ont amassé des déchets et des sédiments contaminés (provenant de latrines, par exemple). Pour aller à l’école, les enfants sont obligés de patauger dans les eaux des crues, ce qui les expose à des maladies comme le choléra et le paludisme.

Deux hommes pagaient dans une cour d’école. Derrière eux, des salles de classe abandonnées. Photo : OIM 2021/Triffin Ntore

Pour les propriétaires, les maisons inondées représentent une perte. Leurs fondations sont gorgées d’eau depuis si longtemps qu’elles finiront par s’effondrer, posant un risque majeur pour la sécurité de quiconque ose y retourner.

La réduction des risques de catastrophes est une priorité

Cette situation désastreuse a mis en lumière les efforts en cours visant à renforcer la résilience des Burundais face à ces risques naturels.

La Plateforme nationale pour la prévention des risques et la gestion des catastrophes et l’équipe de l’OIM au Burundi chargée de la réduction des risques de catastrophe mènent à bien ces efforts. En collaboration avec OXFAM et grâce au financement de l’Union européenne, l’OIM au Burundi met en œuvre le projet de réduction des risques de catastrophe le plus complet à ce jour (officiellement lancé le 7 juillet 2020) et qui s’adressera à l’ensemble du pays.

Le projet qui en résulte vise à lier durablement la réponse humanitaire aux efforts de développement.

En pratique, il s’agit de cartographier les zones à risque de catastrophes naturelles dans les 18 provinces du pays. Tout aussi important, le projet évalue le niveau de vulnérabilité et la capacité du pays à répondre aux catastrophes et aux impacts sur la mobilité, tout en aidant les autorités nationales à élaborer des plans d’urgence éclairés et actualisés par province.  

La mise en place d’une réponse robuste en matière de réduction des risques de catastrophe nécessite également de renforcer l’expertise technique des autorités nationales et locales, en plus d’aider les communautés vulnérables à accéder à des techniques et outils innovants pour mieux se préparer et répondre aux catastrophes. L’une de ces techniques est l’évaluation des risques de vulnérabilité, un outil existant sur lequel l’OIM au Burundi s’est appuyée pour donner aux communautés les moyens de mieux faire face et de réduire leurs vulnérabilités en identifiant tous les facteurs de risque.

« Nous devons mieux aligner les stratégies de réponse au déplacement et les plans de protection civile avec notre plan national pour le développement et la réduction des risques », a réitéré M. Gral. Anicet Nibaruta, responsable de la Plateforme nationale pour la gestion des risques de catastrophe du Burundi.

Un autre outil innovant en préparation est une plateforme en ligne qui centralisera tous les ensembles de données, cartes et rapports dans des formats intuitifs. Les parties prenantes pourront ainsi accéder facilement aux informations, résultats et recommandations utilisés et générés par le projet.

La sensibilisation à la prévention des catastrophes, à l’atténuation de leurs effets et à la manière de répondre à une situation d’urgence n’est pas moins importante. L’OIM et le gouvernement du Burundi envisagent de s’associer aux médias nationaux pour aider à mettre en œuvre des mesures de prévention et de réponse par le biais de messages d’alerte rapide et d’informations s’adressant à la population au sens large.

Parallèlement à ces efforts pour prévenir les urgences futures, l’OIM au Burundi continue de fournir une aide directe, avec des abris et des articles non alimentaires par exemple, grâce au financement de la République fédérale d’Allemagne, de l’Agence américaine pour le développement international et du Fonds central des Nations Unies pour les interventions d’urgence.

Cependant, un financement plus important est encore nécessaire pour fournir une réponse plus complète au nombre croissant de personnes touchées par les inondations et pour prévenir d’impacts encore plus désastreux. (Fin).

Écrit par Lauriane Wolfe, responsable des médias et de la communication à l’OIM au Burundi.