Le mariage des mineures : il est temps d’abroger l’article 20 de la Moudawana

By Khalid Cherkaoui Semmouni*

Le mariage des enfants est un problème mondial qui dépasse les frontières des pays, des cultures et des religions. Environ 650 millions de femmes et de filles en vie aujourd’hui ont été mariées avant l’âge adulte.

D’après l’UNICEF, le mariage d’enfants prive les filles de leur enfance et constitue une menace pour leur vie et leur santé. Les filles qui se marient avant l’âge de 18 ans sont plus exposées à la violence domestique et moins susceptibles de poursuivre leur scolarité.

En effet, les 17 objectifs de développement durable (ODD) définissent les priorités de développement mondiales à l’horizon 2030. Les ODD sont centrés sur la réalisation des droits humains et représentent un appel universel à l’action pour mettre fin à la pauvreté, protéger la planète et veiller à ce que tous puissent connaître la paix et la prospérité. Parmi les ODD, on compte l’égalité des genres, dont l’une des cibles fondamentales est la fin du mariage des enfants d’ici 2030.  

D’autant plus, des instruments juridiques internationaux rappellent que la liberté du mariage est un droit fondamental de la personne humaine et que toute union forcée est une violence.

Nous citons à titre d’exemple, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme promulguée en 1948 qui stipule que le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux (article 16, paragraphe.2). Cette exigence a été confirmée par la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages du 9 décembre 1964 (article premier) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (article 10 parag.1).

Quant à l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979, il stipule que les États parties garantissent, sur la base de l’égalité entre l’homme et la femme, le droit de choisir un conjoint et que le mariage ne peut être contracté qu’avec la liberté et plein consentement.

De même, la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 exige que les États parties prennent toutes les mesures efficaces et appropriées en vue d’éliminer les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants (article 24, paragr. 3) et de les protéger contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle (article 19, paragraphe.1).

En se référant à ces instruments juridiques internationaux, le mariage d’une fille mineure qui n’a pas atteint l’âge légal du mariage est considéré comme un mariage forcé, car dans ce cas l’enfant n’est pas en mesure de donner son consentement libre à ce mariage.

Le mariage des mineures constitue également l’un des principaux obstacles pour assurer l’éducation, l’emploi et d’autres opportunités d’autonomisation pour les filles et les jeunes femmes, ce qui contribue à l’exclusion et la marginalisation des femmes capables de contribuer au développement de la société. 

Au Maroc , le mariage des mineurs est un problème de très grande ampleur : chaque année, des centaines de filles sont mariées avant l’âge de 18 ans selon les statistiques qui ont été enregistrées chaque année depuis l’entrée en vigueur de la Moudawana ( code de la famille ) , raison pour laquelle , ce problème est devenu une préoccupation pour des défenseurs des droits humains , précisément , les militantes des organisations des droits de la femme , compte tenu de ce grand nombre de filles mineures qui ont été mariées avant l’âge de 18 ans .

Il est à rappeler que la mise en œuvre de la Moudawana a relevé des défaillances révélées par l’expérience menée sur le terrain, surtout au niveau des Tribunaux.  Si la Moudawana, adoptée en 2004, fixe la capacité matrimoniale à 18 ans, l’article 20 du code accorde le droit aux juges des affaires familiales d’autoriser les épousailles de mineures, ce qui met en cause jouissance des enfants de leurs droits, car il les rend plus vulnérables à la violence physique, psychique et à l’exploitation sexuelle.

Or, puisque le Roi Mohammed VI a ouvert le chantier de la réforme de la Moudawana à l’occasion du discours de la Fête du Trône , afin de dépasser les défaillances et les aspects négatifs révélés par l’expérience, alors il est temps d’abroger l’article 20 de code la famille, afin que l’âge du mariage soit fixé à 18 ans pour les garçons et les filles comme le prévoit l’article 19 du même Code, avec la mise en place des politiques publiques visant à protéger les mineures, empêcher leur mariage précoce et leur permettre de jouir de leurs droits fondamentaux , notamment l’éducation et la santé, et de les intégrer dans le développement économique, social et culturel. (Fin)

* Khalid Cherkaoui Semmouni est Professeur universitaire et président du Centre National de Lutte contre la Violence et les Abus envers les Enfants.