“Le Rwanda est un symbole de résilience et de vitalité dont toute l’Afrique doit s’inspirer en matière de reconstruction post-conflit” – Adama Bictogo

Après le Génocide des Tutsi et les efforts de réconciliation, le Rwanda s’avère être un symbole de résilience et de vitalité dont toute l’Afrique doit s’inspirer en matière de reconstruction post-conflit, selon le Président du Parlement Ivoirien et Président de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie. Lire son riche Discours lors de l’ouverture des travaux de l’APF à Kigali ce matin.

C’est avec joie que me redécouvre à nouveau le Rwanda, pays des Mille Collines et Mille opportunités avec sa belle et coquette capitale, Kigali, en prenant part à la 47ème Session de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, le premier que j’ai l’honneur de présider après notre Assemblée Régionale Afrique des 23 et 24 juin 2022, à Rabat au Maroc. 

Je voudrais avant de poursuivre mon propos, exprimer au nom du peuple ivoirien avec à sa tête Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République, ainsi que de l’ensemble de la Communauté Francophone mondiale, mes sincères remerciements et toute ma gratitude au Président de la République du RWANDA, Son Excellence Monsieur Paul KAGAME, à son Gouvernement et au vaillant peuple rwandais pour l’accueil chaleureux et fraternel qui nous a été réservé. 

Ma gratitude est d’autant plus grande que cette terre qui nous accueille, est une terre d’histoire et de mémoire. Elle représente un symbole de résilience et de vitalité dont toute l’Afrique doit s’inspirer en matière de reconstruction post-conflit. 

Le  Président du Parlement Ivoirien et Président de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, Adama Bictogo

En nous retrouvant ici, nous n’honorons pas simplement une exigence statutaire de notre institution. Mais, louons le combat d’un peuple qui a su transcender ses adversités pour bâtir une société modèle tant au plan politique qu’au plan économique et social après plusieurs années d’épreuves. 

C’est en cela que je voudrais saluer avec vigueur le leadership éclairé de son Excellence Monsieur Paul KAGAME, Président de la République, pour cette œuvre de reconstruction, de réconciliation et de cohésion nationale dont le monde et particulièrement l’Afrique restent admiratifs. 

Ces actions remarquables dans le cadre de la reconstruction postconflit et de la consolidation de la paix au Rwanda menées sous la houlette bienveillante de Son Excellence Monsieur Paul KAGAME, m’emmènent à me remémorer des efforts déployés par son homologue ivoirien Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA. En effet, ils ont su impulser une dynamique de modernisation, de développement et de repositionnement de leurs pays respectifs au niveau de la scène internationale. Ce leadership commun est fort heureusement reconnu par leurs pairs de l’Union Africaine qui leur ont confié la lourde mission de conduire la mise en œuvre des principales initiatives, ainsi que des projets phares de l’Agenda 2063. 

L’honneur m’échoit aujourd’hui en ma qualité de Président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire et de Président de l’APF, de vous communiquer la position des parlementaires sur les thématiques qui vont meubler les travaux de cette 47ème Session. Mais avant tout propos, je voudrais inviter chacun de nous à avoir une pensée pieuse à l’endroit de mon prédécesseur, feu le Président Amadou SOUMAHORO rappelé à Dieu le 07 mai 2022. Que son âme repose en paix. Le soutien remarqué de la famille parlementaire de l’APF lors de ses obsèques témoigne de la réalité de la solidarité qui irrigue notre Institution commune. 

Au nom de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et de l’ensemble des parlementaires francophones, j’exprime ma gratitude à tous et à toutes pour cet élan de solidarité et de fraternité.

Il y a de cela trois ans que la Côte d’Ivoire accédait à la présidence de l’APF sous la houlette de feu le Président Amadou SOUMAHORO. Cette présidence a malheureusement coïncidé avec la survenance de la pandémie de la Covid 19 qui a perturbé le fonctionnement normal de notre Organisation. Cette situation inédite ne nous a pas permis de tenir efficacement nos travaux, empêchant ainsi d’atteindre les résultats escomptés. 

Au-delà des difficultés susmentionnées, au moment, où mon mandat arrive à son terme, la Côte d’Ivoire par ma voix, voudrait exprimer toute sa gratitude et sa reconnaissance à tous les pays francophones frères pour l’honneur et le choix porté sur notre pays aux fins d’assurer la Présidence de l’APF. 

Pour ma part, je voudrais rassurer Monsieur le nouveau Président, de ma totale et entière disponibilité et de celle de toute la section ivoirienne à continuer de prendre toute notre place au sein de l’Institution APF dont l’une des vocations est « de favoriser la coopération et de renforcer la solidarité au sein de la communauté francophone, dans le respect du droit au développement ». 

A cet instant précis de mon propos, je voudrais exprimer mes chaleureuses félicitations à Monsieur Bruno Fuchs, nouvellement désigné Secrétaire Général Parlementaire de l’APF par Intérim. Dans cette même veine, je voudrais féliciter et rendre un vibrant hommage à Monsieur Jacques Krabal, anciennement Secrétaire Général Parlementaire pour son engagement en faveur du rayonnement de notre Institution commune. 

Face aux nouveaux enjeux et défis mondiaux, qui sont les questions liées aux changements climatiques, à la pauvreté, à la pandémie de la Covid19, aux migrations avec leurs corollaires de drames au large de nos océans, la question du chômage des jeunes, la prise en compte des femmes dans les instances de décision, les effets néfastes de la crise russo-ukrainienne, les crises institutionnelles et politiques qui se traduisent par la dissolution d’institutions démocratiquement élues, notamment les parlements qui sont par essence le lieu de l’expression plurielle de la démocratie.

Face à ces enjeux qui constituent de véritables défis pour nos Etats et en particulier les Parlements, il nous faut prendre des mesures législatives fortes, cohérentes, concrètes et parfaitement adaptées aux besoins de nos populations. Il nous faut donc promouvoir et mettre en œuvre un parlementarisme nouveau, un parlementarisme qui s’adapte aux exigences d’un monde, de plus en plus complexe et dynamique. 

Notre organisation, dans une mutualisation de nos forces, doit être un espace plus ouvert à travers une meilleure liberté de circulation des biens et des personnes en définissant un espace économique véritablement francophone. A cet égard, notre Organisation doit être plus conquérante, entreprenante et flexible dans son engagement afin de maintenir la flamme du rêve francophone face à une jeunesse de plus en plus exigeante et ouverte sur le monde à laquelle nous devons passer le flambeau pour pérenniser nos cultures et la langue française. 

Il nous faut également démontrer que les principes et les valeurs, qui fondent notre projet, transcendent l’espace et le temps. C’est d’ailleurs pour cette raison, qu’il convient de saluer la pertinence du thème du débat général de cette 47ème session : « Gouvernance mondiale : le rôle des parlements pour une paix durable ». 

Vous conviendrez avec moi que ce thème nous interpelle tous et nous rappelle l’un des objectifs de notre Institution qui est celui « de promouvoir la démocratie, l’Etat de droit et les droits de la personne, plus particulièrement au sein de la communauté francophone ». 

Nos actions doivent s’appuyer sur notre statut de représentants des peuples, qui nous confère toute la légitimité et la légalité pour renforcer la démocratie dans nos Etats, à travers ses principaux piliers, que sont le respect des droits de l’homme, l’état de droit, l’égalité des sexes, les élections libres et régulières et la séparation des pouvoirs. Plus que toutes les autres institutions, nous représentons la société dans toute sa diversité, et sommes appelés à trouver un compromis, entre des intérêts opposés et les espérances de la collectivité. 

Notre diversité, qui fait la richesse de la Francophonie, doit nous conduire à conjuguer nos efforts, pour faire face aux défis qui se posent à nos Etats. Dans cette perspective, nous parlementaires, devons, dans une synergie d’actions avec toutes les forces vives de nos Etats, mener des réflexions afin de proposer des solutions adaptées et durables aux nombreux obstacles qui se dressent contre le mieux-être de nos populations.

La gouvernance démocratique est essentielle à la gestion des conflits. La gouvernance légitime et représentative, basée sur l’état de droit et respectant les droits fondamentaux des citoyens, constitue le moyen le plus efficace pour les sociétés de prévenir, gérer et se relever des conflits. 

Vous l’aurez bien compris, la consolidation de la paix dans toutes sociétés démocratiques doit se faire à travers une mutualisation des efforts impliquant les parlements qui, de par leur rôle de vigile, doivent contrôler la reconstruction, légiférer sur les droits de l’homme et traiter les questions de sécurité en période post-conflit.

Pour clore ce chapitre, je voudrais vous emmener à méditer profondément cette pensée de Steven Fish qui dit et je cite : « La force du pouvoir législatif national est une clé, peut-être même la clé institutionnelle de la démocratisation ». En ce qui me concerne, je prolongerai cette pensée pour dire que la force du pouvoir législatif francophone réside dans sa capacité à se réinventer à travers des valeurs fortes que sont la fraternité, la solidarité et le respect de la différence gage d’un climat apaisé au service du rayonnement et du développement de nos pays. 

Je voudrais également profiter de l’opportunité que m’offrent ces assises pour aborder brièvement le thème du prochain Sommet de la Francophonie: « Connectivité dans la diversité : le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone ». 

Cette thématique d’actualité, connait depuis quelques années de nombreuses et rapides évolutions. En effet, l’Internet, les réseaux sociaux et plus globalement le numérique, ont transformé nos habitudes et nos pratiques en matière d’information. La nécessité de réduire la fracture numérique et d’édifier une société dans laquelle l’information nous sera accessible en français est un impératif si nous voulons que l’accès équitable de l’information serve à des fins éducatives, économiques, sociales et culturelles. Porteur d’opportunités, le numérique offre à nos différentes jeunesses un espace dédié permettant d’exprimer leur savoir-faire et de promouvoir la diversité culturelle et linguistique. 

C’est donc un levier important à notre disposition qui, s’il est utilisé à bon escient et ce à différents niveaux, constituera sûrement un vecteur de développement solidaire au service de tous. C’est dans cet esprit, qu’en novembre prochain, au sommet de la Francophonie de Djerba, l’APF déposera un Avis dans le cadre du grand débat sur le thème de la connectivité dans la diversité. C’est à travers cette vision novatrice, articulée autour de l’utilisation du numérique dans les activités parlementaires, que nous avons bâti un pan de notre action à la présidence de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Un axe majeur de cette action est la modernisation de l’Institution à travers la promotion du e-parlement et la digitalisation pour plus d’efficacité de l’activité parlementaire. 

Au-delà de ces thèmes qui cristalliseront nos travaux, l’institution APF devra se montrer toujours plus flexible afin de pouvoir s’adapter aux nouveaux enjeux sociaux auxquels nous sommes confrontés tout en conservant son identité. Au nombre de ces enjeux, on trouve les questions liées aux Médiations interparlementaires, au cadre stratégique, aux nouveaux partenariats, à la participation aux grands débats géopolitiques contemporains et aux corpus législatifs. Ce sont autant de sujets essentiels, parmi tant d’autres, que cette 47ème Session se propose d’examiner collectivement. 

Au regard de l’importance des sujets, j’appelle de tous mes vœux à un engagement plus accru relativement à la prise en compte de la question environnementale et climatique. Je salue d’ores et déjà l’initiative prise concernant l’organisation de notre table ronde parlementaire francophone spécifique en marge de la Conférence des Parties sur le climat (COP 27), qui se tiendra en novembre à Charm el Cheikh en Egypte. 

L’année 2022 restera dans l’histoire de l’APF comme celle du vingtième anniversaire de son Réseau des femmes parlementaires. Je me réjouis donc que notre Session soit centrée sur le rôle des femmes en politique. Et le Rwanda nous donne un meilleur exemple avec une femme élue Présidente de la Chambre des Députés et une représentativité remarquable de 61% de femmes parlementaires.

S’agissant de la jeunesse, notre Réseau des jeunes parlementaires, créé en 2018, a enfin pu tenir une réunion en présentiel, en mai dernier. L’APF a à cœur de soutenir des dynamiques de dialogue et d’échanges à travers la participation de la jeunesse qui constitue le fer de lance de notre organisation à la vie politique. C’est pourquoi, dans trois semaines, l’événement emblématique du Parlement francophone des jeunes reprendra vie, avec sa neuvième édition, à Tirana en Albanie, capitale européenne de la jeunesse en 2022. 

Dans notre marche pour une APF forte et ouverte sur le monde, nous devons mettre un point d’honneur au renforcement de notre partenariat avec les institutions qui partagent notre vision du parlementarisme et du développement, car tous nos projets prennent corps dans un écosystème riche, impliquant nombre de partenaires institutionnels et académiques. Ainsi, nous devons enrichir significativement notre collaboration avec l’Agence française de développement, l’agence belge ENABEL, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Association du notariat francophone, le Réseau francophone d’éthique et de déontologie parlementaire, l’Institut de la Francophonie pour le développement durable, l’Université Senghor d’Alexandrie, l’Université de Luxembourg, le Fonds des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) ou le Conseil mondial pour la tolérance et la paix, dont nous entendrons demain le président, M. Ahmad bin Mohamed Al-Jarwan dans le cadre de notre débat général. 

Mais il convient d’en dire davantage sur le partenaire privilégié : l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), avec laquelle nous travaillons main dans la main au quotidien à tous les niveaux. C’est l’occasion pour moi, de saluer l’engagement et toute la détermination de Madame la Secrétaire Générale, Madame Louise Mushikiwabo pour tous les efforts consentis en faveur d’une véritable famille francophone basée sur les efforts de solidarité, d’amour et de recherche permanente de la paix. 

L’OIF est à la fois notre bailleur de fonds principal, mais aussi interlocuteur notre émanant des Gouvernements dans des missions de bons offices ou d’observation électorale conduites pour accompagner les pays en transition vers la démocratie ou engagés dans une dynamique de réconciliation nationale. 

De ce point de vue, sous l’impulsion de madame la Secrétaire générale, l’intrication entre l’OIF et l’APF s’est nettement consolidée, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

 Au moment de conclure, je voudrais une fois de plus, renouveler l’expression de ma reconnaissance envers le Président, Son Excellence Monsieur Paul KAGAME, le Parlement rwandais, ainsi que toutes les autorités rwandaises pour avoir rendu possible cette session et la visite mémorable que nous avons effectué le mercredi dernier au Mémorial du Génocide de Kigali. Pour ma part, cette visite vient me conforter sur les fondamentaux qui guident ma vie mais au-delà qui doivent guider l’humanité toute entière et l’espace francophone, à savoir : la Tolérance, l’Ecoute, l’Acceptation des différences, l’Amour et l’Humilité. C’est pourquoi, je fonde l’espoir que de nos concertations, naîtront des recommandations qui permettront de porter plus haut les valeurs de démocratie, de solidarité, d’état de droit, d’égalité des sexes et de développement durable partagé. A cet effet, je voudrais nous inviter à l’accélération du processus de révision de notre Règlement Intérieur pour une meilleure prise en compte des aspirations profondes de nos populations. Dans cette attente, je propose l’organisation d’une réunion annuelle de la Conférence des Présidents pour nous retrouver et débattre des sujets d’intérêts communs pour faire face aux enjeux et défis nouveaux. Je reste convaincu qu’une bonne mise en œuvre de nos réflexions et recommandations contribuera à n’en point douter au renforcement de la participation de nos Parlements respectifs à la consolidation de notre Institution. C’est sur ces notes d’espoir que je voudrais souhaiter à chacune et à chacun, de fructueux travaux tout en vous remerciant pour votre aimable attention. Je vous remercie. (Fin)